mercredi, novembre 16, 2011

La France souffre d’une oligarchie qui l’empêche de se réformer




Voilà un nouvel article du 16 novembre 2011 du journal Le Temps de Genève, sous la plume d'Emmanuel Garessus, dont j'ai publié un article le 19 octobre dernier où il se demandait si c'était enfin le Libéralisme qui allait prévaloir en France ou si les partis conservateurs se maintiendraient au pouvoir. Il discute aujourd'hui du dernier livre de Philippe Némo " «La France aveuglée par le socialisme», Philippe Nemo, François Bourin éditeur, 416 p, 2011.

Cette analyse est la même que celle que faisait en mars 2007 Nicolas Tenzer, lors de son interview dans le journal Coopération et dont je parlais sur ce blog à cette date.

Ce n'est pas possible, alors que de plus en plus d'esprits éclairés et depuis si longtemps, dénoncent ce qui "plombe" la France, que celle-ci n'arrive pas à s'en débarrasser avant que la "vie y soit devenue insupportable".

Emmanuel Garessus :

Le drame français se situe moins dans le niveau pourtant exorbitant de sa dette publique que dans des institutions qui empêchent la démocratie d’effectuer son travail salutaire de contrôle des élus et qui empêchent l’économie privée de s’adapter au changement. Le peuple a perdu son pouvoir au profit d’une «double oligarchie», la haute fonction publique et les syndicats, explique Philippe Nemo dans un ouvrage admirable de lucidité sur le mal qui ronge la France, le socialisme*. Car il précise d’emblée que, conséquence du monopole d’Etat sur l’école et les médias, «la droite française ne se rend pas compte qu’elle est plus à gauche que les gauches des grands pays européens et anglo-saxons».

L’auteur rassemble et retravaille des écrits parus en partie à l’étranger ou dans des circuits «underground». Car tel est le sort en France des adversaires de la pensée unique. Il analyse et décrypte ce qu’il nomme la perversion du jugement moral et l’intériorisation des principes socialistes sur les sujets devenus tabous chez nos voisins tels que l’école, l’immigration ou l’Etat providence.

Le premier drame, c’est la «suppression du parlement». Le président décide de presque tout, il nomme le premier ministre et le parlement est à son service. Les députés ne peuvent être élus qu’avec l’investiture d’un grand parti. La véritable élection se fait dans l’état-major du président actuel ou futur. Le président nomme et tient en main ses députés. «C’est le rétablissement d’un pouvoir absolu, plus étendu, à maints égards, que celui des rois de France sous l’absolutisme», selon ce spécialiste des civilisations. L’impuissance du parlement signifie «que la société civile ne peut tenir en échec l’appareil de l’Etat». C’est l’Etat au contraire qui «impose à la société ses volontés». Le statut de la fonction publique a facilité le changement. De fait, les fonctionnaires sont devenus majoritaires à la Chambre des députés et ils ne sont incités ni par leur culture ni par leurs intérêts corporatifs à exercer quelque contrainte que ce soit sur la fonction publique.

La deuxième composante de l’oligarchie, ce sont les syndicats et groupes activistes, deux groupes pourtant peu représentatifs. L’Elysée et les «partenaires sociaux», représentent respectivement 12,5% des électeurs et 5 à 10% des salariés. Cette seconde oligarchie n’a cessé de monter en puissance. On a cédé à ses revendications et on lui a assuré son financement. Car aujourd’hui, «l’argent dont disposent les syndicats est principalement d’origine publique», selon l’auteur. Cette prise de pouvoir ne figure nullement dans la Constitution. Et il n’est inscrit nulle part dans cette dernière «que les décisions du parlement et du gouvernement ne sont exutoires que si elles ont trouvé grâce aux yeux de ces groupes privés et minoritaires», assure Philippe Nemo.

Cette structure doublement oligarchique s’est traduite par une croissance incessante du secteur public tandis que les économistes s’étonnaient des rigidités à la baisse des prélèvements obligataires. Ce transfert de richesses ne va pas des riches aux pauvres, mais il est horizontal, du secteur privé au secteur public.

Les particularités institutionnelles de la France ne subsistent souvent qu’en raison d’obstacles massifs au débat public. Le manque de pluralisme des opinions empêche le développement d’une économie du savoir et la concurrence des idées. Pourtant c’est la source naturelle de l’innovation et de la croissance. «La paralysie intellectuelle est le fruit d’une logique potentiellement obscurantiste qui rappelle l’Inquisition», explique l’auteur dans un chapitre absolument brillant. On a créé en France un dispositif judiciaire qui présente d’indéniables analogies avec ce tribunal. Pour l’auteur, nous sommes revenus à la période d’avant le XIIe siècle lorsque Abélard fit la distinction entre péché et crime. Grâce à lui, les sentiments intimes étaient placés hors de portée du droit pénal. Grâce à lui la science pouvait se développer.

Mais depuis quelques décennies, les lois de censure se sont multipliées avec les lois Pleven (1972), Gayssot (1990), le décret de 1993 et la loi sur la Halde (2004). Des propos non seulement publics mais aussi privés devenaient punissables. L’Etat s’arrogeait le droit d’intervenir dans le contenu des conversations privées, pouvoir auquel, jusqu’à cette date, seuls des régimes totalitaires avaient prétendu. Il devint également un délit de porter atteinte par des propos publics ou privés à l’honneur» ou à la «considération». La France impose aux juges une mission de discernement idéologique. On entre dans une totale insécurité juridique. Ce qui frappe dans cette police des idées, c’est son caractère crypto-religieux, selon l’auteur. Les socialistes espagnols et allemands ont pu, pour des raisons de justice et d’efficacité économique, supprimer l’impôt sur la fortune. En France, selon Nemo, «celui qui suggère une telle mesure passe pour un ennemi juré des pauvres et un personnage asocial qui ne mérite pas qu’on lui parle».

L’analyse des «vices éthiques» de la fiscalité française vaut également le détour pour la présentation de ses mécanismes, une fiscalité conçue comme «une atteinte sans contrepartie à la propriété et au travail de chacun». Celui qui gagne son argent honnêtement à la sueur de son front est opprimé par le fisc. C’est immoral, car depuis Locke, on sait que les droits naturels de l’homme se déclinent en trois termes, la vie, la liberté et les biens. L’être de l’homme est donc indissociablement lié à son avoir. C’est pourquoi l’impôt confiscatoire n’est pas seulement une entrave à l’économie, mais «il transforme l’homme», selon Philippe Nemo. Cette politique de spoliation nuit à tout le pays puisque le progrès est toujours apporté par des individus qui ont été libres d’explorer des voies nouvelles.

Le réveil de la France est possible, mais pour l’auteur il viendra «quand la pauvreté induite par la collectivisation de tous les ressorts de la vie sociale sera devenue insupportable».

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